Jean-Claude Casadesus : « L’expérience permet d’être plus libre. »
Chef d’orchestre de renommée mondiale, Jean-Claude Casadesus appartient à une grande famille d’artistes… Si le temps semble n’avoir aucune prise sur lui, c’est parce qu’il vit chaque jour sa passion pour la musique. Paroles de maestro…
À 78 ans, vous êtes encore un travailleur acharné qui n’arrête pas de voyager. D’où vous vient cette incroyable énergie ?
C’est peut-être un don du ciel et de mes parents. Le plus important est d’avoir une passion et de la cultiver. Il faut aussi avoir le sens des autres, aimer partager ses émotions. Si je travaille encore 8 à 10 heures par jour, c’est que j’ai toujours en moi la volonté d’être meilleur le lendemain que la veille. J’ai hérité cela de ma mère (la comédienne Gisèle Casadesus qui a 100 ans depuis le 14 juin – NDLR). À son âge, elle continue de faire des films et à aller au théâtre presque tous les soirs. C’est hallucinant. Bien sûr, tout cela n’est possible que si l’on est en bonne santé, ce qui est son cas et le mien. Pourvu que cela dure…
Est-ce que la direction d’orchestre permet de se maintenir en forme ?
C’est avant tout mental. Diriger un orchestre demande une très grande concentration et un énorme travail. Mais le maître-mot est anticipation. Devant un orchestre, vous devez entendre le son de chaque instrument avant qu’il soit joué. C’est comme au tennis, il faut savoir où va aller la balle avant de la jouer. Il y a d’abord l’analyse puis la liberté. Sans liberté, il n’y a pas de grandes interprétations et de grands champions. Federer est un artiste, non ?
Justement, le tennis est l’un des sports que vous pratiquez ?
Oui, je joue au tennis, je fais de la voile l’été sur un Finn, un bateau très exigeant physiquement, et de l’équitation.
Être grand-père, ça représente quoi pour vous ?
C’est l’une des plus grandes richesses de ma vie. Surtout quand je vois que mes enfants et petits-enfants prolongent cette longue lignée d’artistes qui remonte à mon arrière-grand-père. Pour moi, la transmission est primordiale. C’est mon grand-père qui m’a mis un violon dans les mains lorsque j’avais 4 ans.
Vous avez côtoyé ou travaillé avec les plus grands artistes, de Yehudi Menuhin à Montserrat Caballé, en passant par Rostropovitch ou Luis Mariano. Est-ce que la musique est aussi une histoire de rencontres ?
C’est vrai que j’ai rencontré les plus grands artistes du siècle. Mais pour bien jouer entre les notes, si j’ose dire, il faut que les gens s’accordent. Comme en amour, c’est une question de chimie. À un très haut niveau, en général, on ne rencontre pas de problème. On peut alors transformer les notes en caresses plutôt qu’en chatouilles (rires). C’est sensuel, la musique…
L’expérience est-elle primordiale dans votre travail ?
Dans la direction d’orchestre, les cicatrices maîtrisées de la vie vous permettent d’atteindre la profondeur de la musique sans la lourdeur. C’est l’un des rares métiers où, comme pour le bon vin, on devient meilleur avec l’âge. L’expérience vous permet d’avoir un certain recul, de prendre de la hauteur et d’être plus libre. Toujours cette fameuse liberté…
« Jean-Claude Casadesus, la partition d’une vie », entretiens avec Frédéric Gaussin, Écriture.