Serge Guérin, sociologue

sociologue Serge GuérinDocteur en sciences de l’information et de la communication, professeur à Paris School of Business, le sociologue Serge Guérin a publié de nombreux ouvrages sur le vieillissement. Son dernier livre, « Silver Génération, 10 idées reçues à combattre à propos des seniors » (Éditions Michalon) met les pieds dans le plat tout en donnant des solutions pour l’avenir…

Au départ, qu’est-ce qui vous a attiré vers l’univers des seniors ?

J’ai toujours eu le souci de la solidarité. Et puis dans les années 1995, j’ai posé l’hypothèse, assez révolutionnaire, que l’évolution de la démographie allait avoir des effets sur la société française. Et je me suis étonné, à l’époque, que l’on s’intéresse aussi peu à la question du vieillissement. J’ai aussi, modestement, anticipé le fait que les nouvelles générations de seniors seraient vraiment différentes de celles qui les avaient précédées. J’ai donc eu envie de suivre cette évolution des seniors et de voir son influence sur le fonctionnement de notre société.

Quelles sont les idées reçues qui perdurent encore aujourd’hui et qu’il faut combattre ?

Perdurer est le bon mot car ce livre est né du fait que les choses ne changent pas vraiment malgré tout ce que l’on dit et écrit. On peut citer dans le désordre : « les seniors sont mal à l’aise avec les technologies », « les questions d’environnement touchent peu la Silver Génération ». C’est grave de laisser penser cela quand on connaît la réalité sociale d’aujourd’hui. A travers ce livre, je veux aussi combattre ce discours ancré dans la tête des décideurs qui dit qu’un pays vieillissant est un pays en déclin. Au contraire, ces seniors, compte-tenu de leur évolution, représentent une chance. Ils vont contribuer à inventer la société de demain.

Vous suggérez même de créer un ministère de l’Allongement de la vie et de l’Intergénération à la place du ministère existant ? Quelle serait sa mission ?

C’est vrai que ce découpage ministériel simpliste qui met les jeunes avec le sport et les anciens avec la santé, est on ne peut plus caricatural. Et si on tenait simplement compte du cycle de vie avec des institutions qui accompagnent le citoyen de la petite enfance au grand âge avec une optique intergénérationnelle. Les questions de santé deviendraient des questions de prévention et on s’y intéresserait de 5 à 95 ans.

Vous décrivez les générations les plus âgées comme des populations d’inventeurs et d’innovateurs ? Pourquoi ?

Parce qu’il est amusant, par exemple, de songer au parcours d’une femme de 80 ans. Quand elle a commencé sa vie, il n’y avait ni le téléphone, ni la radio, ni la télévision et ni le portable. Je crois que c’est la seule génération, dans toute l’histoire de l’humanité, qui a connu autant de transformations technologiques. Voyez-vous, cette génération a fait ses preuves.

Alors, comment combattre les idées reçues ?

Il y a d’abord un combat médiatique avec la multiplication des interventions pour expliquer, démontrer et apprendre. Ensuite, la lutte, si j’ose dire, doit se dérouler au niveau local. Les mairies et les départements sont là pour montrer tout le potentiel des seniors et les soutenir. Aujourd’hui, on peut déjà constater dans les territoires que le tissu associatif ne serait pas le même s’il n’y avait pas les retraités. Et puis tout ne se passe pas uniquement dans les grandes villes. N’oublions pas que 75 % de la population française vit dans des communes rurales. Au plan national, on peut par exemple faire participer activement les seniors au service civique.

Vous écrivez « Vivre plus longtemps est une bonne nouvelle à titre personnel, mais aussi une formidable opportunité pour notre pays ». Pourquoi ?

Nous allons vivre dans une société qui aura sans doute moins de moyens et plus de temps. On fera donc plus de choses par nous-mêmes comme fabriquer sa cuisine plutôt que de l’acheter toute faite. Car une société de la croissance limitée doit inventer, développer une économie du soutien social et valoriser les activités hors travail. Notre pays devra donc s’adapter aux défis de la longévité et faire de la prévention un axe majeur de son développement. Pour conclure, je dirais qu’une société durable repose sur un lien social bienveillant, l’attention aux autres et la dynamique des solidarités familiales. Et les anciens y jouent un rôle capital…