Le bel âge selon Régis Debray

culture2Nous ne pouvions manquer de remarquer la sortie d’un livre au titre si évocateur ! Surtout si c’est un écrivain (membre de l’Académie Goncourt) et philosophe de la trempe de Régis Debray qui le signe. Sa rhétorique aux fortes références intellectuelles s’attaque avec lucidité et humour à un jeunisme qui balaie (presque) entièrement le passé ou le traite avec mépris, par ignorance ou par calcul. « Le monde entier est un théâtre, et tous, hommes et femmes, n’en sont que les acteurs. Chacun y joue successivement les différents rôles d’un drame en sept âges ». Cette citation de Shakespeare est un bon point de départ à sa réflexion…
L’actualité comme valeur et le présent comme seul modèle
Et ceux, politiciens, hommes de culture et de médias, qui veulent ignorer le bon sens du dramaturge anglais tombent sous les coups de sa plume virulente. « L’actualité comme valeur (urgent, exclusif, immédiat) et le présent comme seul modèle portent dans leurs flancs, faute de bustes tutélaires inconnus de Daily Motion, la régression du peuple en public et de la qualité en quantité, via la preuve par le chiffre (…) À ce compte-là, non celui du suffrage mais du suivisme universel, les titres feront titre, et la Légion d’honneur, honneur. Alain Minc sera un oracle. BHL, un stratège, M. Tapie, un capitaine d’industrie et M. Pinault, un dénicheur de génies méconnus. » Et la provocation ne s’arrête pas en si bon chemin… Régis Debray pose même la question qui dérange : « Un pays frileux et à l’âme vieillissante est-il condamné au culte de la jeunesse ? »
Revenir au passé pour connaître son histoire et sa culture
En même temps, il constate le paradoxe : notre époque ne peut s’empêcher de tout conserver et d’adorer le vintage. Mais ça ne suffit pas ! Pour créer ou tout simplement pour vivre, il faut savoir revenir au passé, connaître son histoire et sa culture. « La rétrothérapie n’est pas remboursée par la Sécurité sociale, mais comme le dandysme et la frivolité sérieuse, elle se mérite et elle se travaille (…) On ne sauvera pas la transmission qui d’un singe nu fait un être humain sans remettre l’adolescent à sa place et l’ancien à la sienne, sans dissocier l’autorité du pouvoir. » Mais l’écrivain n’est pas dupe. « Pas plus qu’il ne suffit d’avoir soixante-dix ans pour être un sage plein.

de fermeté d’âme, il ne suffit pas d’en avoir vingt pour être un révolté défiant la force des choses. » Et de conclure avec l’aide de Victor Hugo :
« Et l’on voit de la flamme aux yeux des jeunes gens,
Mais dans l’oeil du vieillard on voit de la lumière ».
« Le bel âge » de Régis Debray (Collection Café Voltaire, Flammarion)