Bernard Pivot : « Vivre avec énergie, curiosité et gourmandise »

Bernard PivotBernard Pivot est toujours très actif. À 78 ans, l’ancien animateur d’ « Apostrophes », émission littéraire mythique, puis de « Bouillon de culture » a été nommé récemment président de l’Académie Goncourt. Il connaît également un franc succès avec ses ouvrages, où transparaît l’amour infini des mots…

Vous pensez toujours que le mot « aujourd’hui » est le plus beau de la langue française ?

Ça fait 40 ans que je le dis, je ne vais pas changer aujourd’hui (sourire). C’est le mot des journalistes. Nous travaillons toujours dans le temps présent car nous ne sommes ni historiens ni futurologues. Nous puisons la substance de nos articles ou de nos émissions dans l’actualité. Et pour moi ce mot a une vertu supérieure, de nostalgie et d’esthétique, c’est la présence en plein milieu d’une apostrophe.

Justement, lors de vos émissions, vous avez toujours eu une attitude de journaliste et non pas d’intellectuel. Était-ce le secret de la réussite ?

J’ai toujours eu la volonté d’apprendre parce que je n’ai pas fait d’études supérieures.
« Apostrophes » et « Bouillon de culture » ont été les meilleures écoles. Culturellement, j’ai été le premier bénéficiaire de ces émissions, au même titre que les téléspectateurs.

Que pensez-vous du mot « senior » qui est utilisé presque à toutes les sauces ?

C’est une mode qui ne date pas d’hier. L’idée est d’adoucir les mots un peu trop rugueux, trop rudes. Ça ne me dérange pas qu’on dise que je suis vieux. Dans ce cas-là, ce n’est pas le mot qu’on utilise qui est le plus important, mais ce que l’on en fait.

Vous avez écrit dans « Les mots de ma vie » : « lutter contre le vieillissement c’est, dans la mesure du possible, ne renoncer à rien. Ni au travail, ni aux voyages, ni aux spectacles, ni aux livres, ni à la gourmandise, ni à l’amour, ni à la sexualité, ni aux rêves. » Est-ce toujours valable ?

Ça n’a jamais été autant valable qu’aujourd’hui. La meilleure façon de lutter contre le vieillissement est de ne pas se laisser aller, de ne pas se laisser abattre et de continuer à vivre avec énergie, curiosité et gourmandise. Tant que la machine fonctionne…

Votre « Dictionnaire amoureux du vin » dépasse allégrement les 140 000 exemplaires vendus. Ce livre était-il le meilleur moyen pour vous de combiner l’amour des mots et celui du vin qui vient de votre enfance ?

Jolie question ! Pour moi, les deux sont vraiment liés. Il y a tous les mots qui permettent de décrire le vin, qui sont dans la métaphore, parfois dans l’exaltation et vont même jusqu’au lyrisme. Le vocabulaire œnologique est à la fois technique et poétique.

Si Dieu existe, qu’aimeriez-vous, après votre mort, l’entendre vous dire ?

J’aimerais qu’il me dise : « Ah, Pivot, expliquez-moi la règle des participes passés et des verbes pronominaux parce que moi, tout dieu que je suis, je n’y ai jamais rien compris. »

Le dernier ouvrage de Bernard Pivot, « Les tweets sont des chats » (Albin Michel) est un journal personnel d’observations, de réflexions, d’aphorismes et de citations que découvrent chaque matin les 200 000 abonnés à son compte Twitter.