Hugues Aufray : « Chaque jour, je veux apprendre quelque chose ! »
Avec plus de 300 chansons écrites ou co-écrites depuis le début de sa carrière et des succès comme « Céline », « Le petit âne gris », « Stewball » ou « Santiano », Hugues Aufray appartient à la mémoire collective. Chanteur engagé et plein d’énergie, il sait aussi bien distiller ses vérités que ses humeurs de poète…
Vous effectuez en ce moment, et jusqu’à la fin de l’année, une grande tournée dans toute la France sous le titre « Visiteur d’un soir ». Qu’est-ce que cela signifie ?
Bien sûr, c’est une référence au fameux film de Marcel Carné, « Les visiteurs du soir », qui m’a marqué à vie lorsque je l’ai vu avec mes deux frères par un froid dimanche de février 1943. Quand j’ai débarqué à Paris, cinq ans plus tard, avec l’espoir d’entrer à l’École des Beaux-Arts et d’embrasser une carrière de peintre et de sculpteur, je n’imaginais pas une seconde que mon destin me conduirait à suivre les pas de Gilles, l’envoûtant troubadour du film, incarné par le grand comédien Alain Cuny. Comme lui, durant cette tournée, je rends visite aux gens chez eux pour consoler leurs chagrins et tenter d’enchanter leurs cœurs et leurs mémoires…
À 85 ans, vous vous considérez donc toujours comme un troubadour ?
Dans les années 1950, ce mot me dérangeait car il avait disparu du folklore populaire et représentait quelque chose de désuet et de passéiste. En vieillissant, l’image de ce marginal qui va chanter de château en château pour raconter des histoires, faire rêver, faire pleurer et apporter de la joie m’a séduit de plus en plus. Aujourd’hui, je revendique ce mot avec bonheur. J’en ai même fait le titre d’un album, « Troubadour since 1948 », sorti en 2011.
Avec l’âge, vous semblez accepter plus de choses, tout en restant toujours naïf, naïf voulant dire naturel, ouvert à tout et aux autres ?
C’est très vrai. Je me suis toujours intéressé à des tas de domaines en dehors de la chanson et je continue à être très curieux. Chaque jour, je veux apprendre quelque chose. Lorsque je me couche le soir, je me demande toujours si j’ai appris des nouveautés dans la journée. Et si ce n’est pas le cas, je me plonge dans un livre qui traite d’histoire, de religion ou de science pour apprendre et m’enrichir encore un peu plus. Et puis je suis insomniaque, j’ai donc encore plus de temps pour lire. Être insomniaque, c’est une sacrée chance (rires).
Qu’est-ce que vous voulez laisser à vos petits-enfants et même arrière-petits-enfants ?
En dehors de mon héritage de chansons, je voudrais surtout leur léguer une façon de concevoir la vie, une philosophie encore une fois naturelle avec une très grande lucidité de ce qu’est le monde.
Une tournée demande beaucoup d’investissement et d’énergie. Comment vous préparez-vous physiquement ? Adoptez-vous un certain régime alimentaire ?
Pour moi, la vérité est dans le juste milieu. C’est proche de la pensée bouddhiste, non ? (sourire) Trop de ceci ou pas assez de cela, ce n’est pas bon. Côté exercices, c’est surtout le temps qui me manque, mais je fais le minimum pour être toujours en forme. Et puis j’essaye d’éviter au maximum les médicaments… Je reviens au sommeil. Pas besoin de se « doper » pour dormir, un bon livre est bien plus efficace !
Vous avez donc encore beaucoup de choses à découvrir ?
Vous savez, rien n’est plus merveilleux que la vie ! J’aime la musique et par-dessus tout ma famille et mes amis. Je chante une chanson qui s’appelle « La Sévillane » qui s’achève en disant « que ta seule et vraie fortune, c’est le trésor de ta vie ». La vie, on n’a pas d’autre choix que d’en prendre soin.